Délire pascal

Publié le par Ariane Fornia

Merci mille fois à ceux et celles qui sont venus me voir au Salon du livre. Merci à ceux dont je connaissais déjà le nom, le pseudo ou le visage - Caroline, Laurence, Laetitia, Rémy, Sophie, Sylvain, Lucie, Clara, Mathilde… ai-je oublié quelqu’un ? -, et aux inconnus jusqu’alors, Clément, Grace, et ceux dont j’ai oublié le nom, ingrate que je suis… n’hésitez pas à laisser un commentaire pour me rappeler à l’ordre ! Merci pour votre chaleur, vos sourires et votre soutien. Vous savez que plusieurs amis auteurs m’ont envié mes lecteurs, tellement adorables, ont cherché à vous subtiliser à moi… mais j’ai farouchement monté la garde ! ;) Merci aussi à tous ceux qui étaient  trop loin pour venir mais m’ont envoyé des ondes positives. ;) Bref, merci d’être là, de me suivre et de me sourire !

Chers tous,

Ah, le week-end de Pâques… Mes plus chaleureux remerciements à Jésus qui est mort sur la croix pour racheter nos pêchés : sans toi, je n’aurais pas pu passer le week-end à lire en mangeant du chocolat… Merci pour ton sacrifice, qui m’a permis de dévorer La valse lente des tortues, de Katherine Pancol, Pas de mari, pas d’ennuis, de Carol Clewlow, Des trolls et des hommes de Selma Lagerlöf, plus une quantité appréciables de magazines et de journaux. Je vous en fait un petit compte-rendu…

- Des trolls et des hommes est une sélection de contes. Leur auteur, Selma Lagerlöf, est née en Suède en 1858, dans le Värmland, région de lacs et de montagnes qui fourmillait de légendes populaires, influence qui baigna son œuvre. Elle fut la première femme à recevoir le prix Nobel en 1909. Je commence à me plonger dans ses livres et j’aime leur ambiance si particulière, à mi chemin entre un réalisme teinté d’humanisme et de compassion, et un fantastique exubérant, jubilatoire. Des trolls et des hommes illustre bien ce délicieux cocktail : c’est une sélection de contes, mi fabliaux, paraboles morales, mi contes fantastiques dans la droite ligne du romantisme allemand. Si le merveilleux se révèle, si les trolls accourent parmi les hommes, si les lacs et les cimes se nimbent de secrets, c’est pour mieux éclairer les hommes, et les rendre meilleurs. Je crois que le lecteur aussi un peu changé, comme après un envoûtement… très agréable.

- Pas de mari, pas d’ennuis est tout simplement hilarant. Le genre de livre qui exaspère les personnes se tenant à côté de vous, car vous ne cessez d’émettre des petits couinements et autres pouffements étouffés, sans parler de soudaines giclées d’hilarité bruyante. C’est l’histoire d’une célibataire assumée qui, la cinquantaine arrivée, se souvient de sa vie, de ses choix, décortique les hommes qu’elle a connus, brocarde les diktats du couple et de la maternité (« de la propagande à la Goebbels »). En plus, elle est entourée de copines, mère et cousine absolument dingues, dont elle souligne les travers avec un bonheur d’écriture rare. Rarement la chick lit a été aussi jouissive !

- La valse lente des tortues est la suite tant attendue des Yeux jaunes des crocodiles. J’étais ravie de retrouver Joséphine, la chercheuse cocufiée et un peu niaise devenue auteur à succès, Iris, sa sœur aussi fourbe et vaine que belle, Luca, l’énigmatique amant de Joséphine, Shirley, la meilleure copine délurée à la généalogie étrange, Hortense, la jeune fille prête à écraser l’univers entier sous elle pour réussir, et tous les autres… Dans cet opus, le cœur de Joséphine connaît de véritables ouragans, un fantôme s’immisce dans le quotidien, Iris reprend du service après sa dépression et traverse elle aussi la tourmente, Henriette est prête à tout pour arracher Marcel des bras de Josiane… Je crois qu’il est encore meilleur que le premier, si ce n’est pour les épisodes de maraboutage et autres bébés envoyés par le Ciel : Katherine Pancol doit visiblement toujours caser un truc totalement délirant et invraisemblable dans ses bouquins. Le délire extralucide mis à part, La valse lente des tortues se dévore comme une tablette de chocolat aux noisettes. Un régal. Vous commencez, vous êtes accro. Katherine Pancol a un véritable don pour nous divertir et nous tenir en haleine.
J’aime quand la littérature « plaisir » ne prend pas ses lecteurs pour des abrutis. Je n’aime pas les auteurs qui nous infligent 800 pages de dialogues indigents, de bribes à la grammaire et à la typographie disloquées, tout ça pour que l’histoire n’ait pas bougé d’un iota – suivez mon regard.

 

Sinon, Lenka m’a posée la question suivante :

 Bonjour, je voudrais juste savoir, si cela est possible, comment commencer un roman. Je dispose de plein de trucs dans mes tiroirs, mais ça fait brouillon! Merci!!!

 « Si cela est possible »…Ah, Lenka, tu as cerné le problème ! ;) Si la recette miracle du roman existait - « un début en fanfare, cinq ou six personnages un peu dégénérés, quelques rebondissements en fanfare, deux cuillères à soupe d’humour, deux d’action, trois d’amour et un zeste d’érotisme, une fin émouvante et c’est prêt à emballer ! » -, cela ne ferait pas deux ans que je noircis des cahiers et me triture les neurones dans tous les sens pour écrire mon roman. Mais je me sens des trésors d’inventivité aujourd’hui et je vais faire comme si je savais.

Tout d’abord, je pense que tu peux mettre de côté les « plein de trucs » que tu as dans tes tiroirs. On ne construit pas une intrigue à partir de fragments décousus. Il te faut oublier tout ce que tu as écrit jusqu’ici et élaborer les grandes lignes de l’intrigue. Rien ne t’empêchera, plus tard, quand la structure de ton roman sera fermement définie, d’exploiter les bribes qui dorment dans tes meubles, d’utiliser une situation, une description, un dialogue déjà écrit. Mais cela est une étape bien ultérieure. Ne te base pas sur cela pour construire l’histoire, cela risquerait de ne pas tenir debout. Au début, je me répète, tu dois faire le vide dans ton esprit (ouvrir grand tes chakras et ton troisième œil, prier les forces créatrices de la Terre de descendre sur toi et de t’irradier d’énergie, iiiioooon…) et te demander :

Qu’est ce que je veux raconter ?

Pourquoi, pour qui ?

 

(Un mois plus tard.)

Voilà, tu as ton histoire. Tu vas raconter l’histoire de Daphné, qui après une enfance difficile à manger des rognures d’ongles dans un foyer tenu par la machiavélique Ursula Von Drachenloch, a rencontré le prince charmant, Pierre, et eu avec lui une fille, Noémie, qui plume les pigeons écrasés pour s’en faire des parures. Sauf que Daphné apprend par Luna, sa meilleure amie qui a des champignons multicolores plein le placard, que Pierre la trompe. Daphné décide donc de quitter le foyer, de partir avec Noémie sur les routes. Elle ira jusqu’en Patagonie avec Luna retrouver son vrai Moi dans un road-movie déjanté. Inclus quelques scènes torrides avec Gene, un jeune Américain lui aussi venu chercher son Moi, dans une tanière de loups des steppes quelque part en Mongolie. Pour le final spectaculaire, on impliquera quelques extraterrestres, et une révélation tonitruante : Ursula Von Drachenloch venait de Saturne. Donc, comment commencer ton roman ?

 

Version réaliste :

Née le 7 avril 1966, Daphné mesurait un mètre soixante et avait un gros grain de beauté en forme de tractopelle dans le cou. Son nez était piqueté (ça fait bien, piqueté, genre tu fais du style) de tâches de rousseur qui lui donnaient l’air mutin ( = scènes de cul à prévoir. C’est tout bon, ça.)

 

Version « in medias res » :

-         Salaud !, hurla Daphné tout en jetant son sèche-cheveux au visage de Pierre.

-         Mais chérie, voyons, que se passe-t-il ? (Les personnages de roman construisent de jolies phrases très « comtesse de Ségur » et disséminent du « voyons » entre deux propositions, et ce, même quand ils se prennent un sèche-cheveux dans la poire.) Tu sais très bien ce qui se passe, connard ! Je sais que tu baises Cynthia ! ( Le trash est fashion.)

 

Version impressionniste :

Un sèche cheveux qui fend les airs.

Une femme qui pleure.

Salaud.

Cris.

Un homme désemparé. (Le lecteur dort déjà.)

 

Version introspective :

Une femme qui trompe son mari ? Mais pourquoi éprouvé-je donc le désir irrépressible de mettre cela en scène ? Serait-ce, comme le prétend Docteur Ukulélé, mon psychanalyste, que des traumatismes enfantins se font jour dans mon subconscient. Ah, je ressens la peur de la page blanche. Mais Pierre a-t-il vraiment trompé Daphné ?

 

Version stream of consciousness : (= j’ai pas envie de me fouler à mettre des virgules)

Il m’a trompé, se disait-elle, oui mais se pourrait-il que ce soit vrai pourtant je me souviens de notre nuit de noces nous étions sur un paquebot je ne savais pas comment éplucher les écrevisses sans catapulter les yeux à l’autre bout du pont oh non je ne peux pas le voir avec Cynthia nu ses petites fesses flasques sur son… non je ne dois pas penser à ça ai-je bien pendu la lessive ?

 

Version tourmentée :

Daphné ? Mais se nommait-elle vraiment Daphné ? Qui sait quelles puissances obscures définissent notre identité et bouillonnent comme de petits chaudrons au plus profond de nos cerveaux et concoctent la tambouille existentielle ? Daphné, oui. Non. Peut-être Julia, en fait. Daphné comme les fleurs dont les corolles embaumées parsèment la surface apaisée du lac, elle y pensait souvent… si on sait jamais à quoi on pense. (Aie, t’as perdu le fil, mec.)

 

Version trash :

Oh oui Pierre, beugla cette pute de Cynthia, la tête renversée, les cheveux collés par la sueur, tandis que Pierre achevait vite fait son devoir pour fumer sa clope post-coïtale, sentir la fumée descendre en lui, et ça, c’était encore mieux que la chatte mal épilée de cette braillarde de Cynthia. (Rajouter quelques considérations sur la déliquescence de la société capitaliste.)

 

Version poétique :

Daphné pleurait, les perles irridescentes de son chagrin chatoyaient sur sa joue pâle comme un linge frais, et le brun mordoré de son œil se noyait dans d’amères ondées.

 

Version régionaliste :

Le calme ensoleillé du petit village de Buis-les-Baronnies, qui incarne à lui seul la quiétude et la douceur de vivre provençale, avec sa petite place ombragée par de grands platanes centenaires, le crissement délicat des cigales qui paressent sous la lumière de juillet et ses étendues de lavande, fut troublé par le cri de Daphné.

 

En page de droite : buis-les-baronnies.jpg

Légende : Le charme champêtre et bucolique de la douce ville de Buis-les-baronnies où sont nés mes aïeux, dont mon pépé Marius qui a pris la photo. (Note de l'auteur.)

 

Version désinvolte :

Pierre trompait Daphné. Ca arrive tout le temps. T’as encore envie de lire ça, lecteur ? Bon, faut dire que Daphné avait fait original : un sèche-cheveux dans la tronche, quand même, faut le faire.

 

Plus sérieusement, Lenka : lis. Lis, lis, lis sans cesse, fais une razzia dans ta librairie, dévalise la Fnac, mets la bibliothèque municipale à feu et à encre, abreuve-toi de littérature, ne boude aucun genre, aucun auteur, frotte-toi à tout. C’est en lisant assez pour que chaque influence soit conjurée par une autre que tu te formeras, peu à peu, ton propre style et, surtout, ta propre vision du monde. Car je crois que dans tout roman germe un point de vue sur le monde, une philosophie de vie, une idée des hommes et de leur univers.

 

Un dernier conseil : oublie tous mes conseils. Lance-toi. Ne suis aucun modèle, aucun maître à penser. Pour commencer un roman, il faut le commencer, tout simplement.

 

Très bonne semaine à tous !
Ariane

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P
Vous rédigez de manière rafraîchissante, cependant, vous avez touché un point qui me tracassait, lequel ? ( je fais comme si vous vous intéressiez à ces lignes), j'ai écrit un "roman", pas une autobiographie, pas des nouvelles, pas des contes de fées, non, un roman, une histoire inventée, le premier "jet" comprend environ huit cents pages, porté par les mots j'écrivais tous les jours deux à trois heures, je suis incapable de me remémorer pendant combien de semaines. A partir du moment ou l'idée de tenter une publication ( très hypothétique) j'ai repris le texte, je l'ai mis au régime, il a perdu quatre cents pages, je l'ai repris encore à deux reprises, aujourd'hui, il se contente d'à peine deux cents pages. En pensant à un lecteur éventuel, je l'ai modifié, j'ai ajouté un peu plus d'action, dans cette "action" figurent quelques scènes érotiques, je partage votre avis, elles sont superflues, ce manuscrit va se prendre quelques bons coups de pieds au badaboum, il ne l'aura pas volé..!     Vittorio Poliakov
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I
Heureuse de voir que le cynisme, et l'humour son au rendez vous.Je plaisante, ce qui me réjouie c'est le facteur " érotisme " que tu n'oublie jamais d'inclure dans tes chroniques, pour notre plus grand plaisir, merci de me faire rêver Ariane. 
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A
<br /> Merci Inès... je suis touchée !<br /> Je ne pense pas que ce "délire pascal" soit mon article le plus érotique... au contraire, je le trouve assez répugnant ! Mais je promets de faire mieux !<br /> Bonne soirée, et à bientôt,<br /> Ariane<br /> <br /> <br />
C
Hello Ariane, Ca fait environ une paye depuis le salon de livre. Wie geht es dir? Je te tutoie parce qu'on est relativement contemporains, mais peut-être est-ce politiquement incorrect. Je me demandais ce que donnait ton actualité littéraire, je vois que tu as deux romans en préparation, super. Mais ce qui m'inquiétais aussi c'était l'issue de ta prépa, car j'ai commencé la mienne cette année ça m'a l'air coton. Enfin apparemment tu t'en es bien sortie. Dans ma prochaine vie je ferai sûrement hypokhagne ça m'a l'air plutôt marrant! Bref, j'espère bientôt voir ton nouveau bouquin, j'ai prêté dernière morsure à mon Papa qui se tordait de rire toute la soirée. Sacrée toi!A bientot.
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A
<br /> Bonjour Clément, heureuse de voir que, quelques mois après le salon du livre, tu as trouvé le chemin de ce blog ! Merci pour ton commentaire sur Dernière morsure, il me fait vraiment plaisir...<br /> Alors, tu es en prépa scientifique ? Un mélange d'incompréhension et d'admiration m'envahit ! ;)<br /> Bon courage !<br /> Et un amical bonjour à ton père !<br /> Bon, à bientôt sur ce blog, j'espère ?<br /> <br /> <br />
C
Madame,Juste une précision d'ordre zoologique relatif à un de vos commentaires entendu sur la radio: " Les éléphants ne marchent jamais dans la merde".Besson ne risque rien en Afrique, sauf peut-être des scorpions
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A
<br /> Cher Cartus,<br /> Je vous en prie, dégagez de ce blog (consacré à la littérature, aux arts, au travail d'écrivain, je le rappelle) avant de m'énerver.<br /> Merci.<br /> <br /> <br />
O
Coucou Ariane, c'est encore moi Ophélia. Oui, tu as raison, je profite d'être encore au lycée ( et donc de ne pas avoir tellement de cours. Sachant qu'en plus mon lycée a été bloqué pendant un mois) pour continuer et finir d'écrire mon roman. Pour l'hypokhâgne je ne sais pas encore où, mais ce sera à Paris en tout cas...Aussi, je voulais te demander, comment ça s'est passé la première fois que tu as envoyé ton manuscrit à des éditeurs, j'entend par là, As-tu envoyé à beaucoup d'éditeurs? Ont-ils mis des mois à te répondre ou bien ça a été plutôt rapide? Voila, je suis un peu curieuse de savoir comment ça se passe. Merci. Big kisses
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A
<br /> Bonsoir Ophélia,<br /> merci pour ton commentaire.<br /> Concernant les éditeurs : moi, je suis l'exception qui valide la règle, j'ai eu une réponse très rapide et positive. Mais ce genre de cas est extrêmement rare. Il faut être prêt à essuyer de<br /> nombreux refus, parfois personnalisés, parfois complètement robotisés, avant d'avoir un signe encourageant, et c'est normal. Marie Darrieussecq a, je crois, subi 7 refus avant de voir Truismes<br /> publié. Vu le tirage, elle a eu raison d'insister. L'échec et le découragement sont des choses normales, mais il faut persévérer.<br /> Je t'invite à lire ce blog, dans plusieurs articles je donne des conseils précis sur la démarche à suivre pour chercher un éditeur.<br /> Bon courage et ne lâche pas la plume !<br /> <br /> <br />